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crédit photo Faustine Cornette de Saint Cyr

 

Chapal et Jean François Bardinon, la maison rentre dans le domaine du prêt-à-porter

On continu à parler de Chapal, car cette maison d’art avec ces 184 ans d’activité a beaucoup à dire et à dévoiler.

Cette fois-ci, je vous raconte l’histoire d’un homme, celui qui a pris en main la maison en 1982 : Jean François Bardinon.

Soucieux de poursuivre la tradition de la maison dans le domaine de la tannerie et la production de ses célèbres blousons, il a su lui donner un nouvel élan et la faire rentrer de tout droit dans le domaine du prêt-à-porter de luxe.

Monsieur Bardinon vous faites partie de la famille Chapal, pour vous était-ce donc naturel reprendre l’activité familiale ?

J’ai eu la chance d’être celui qui soit tombé au bon moment pour reprendre l’activité.

Personne ne m’a obligé à reprendre l’activité, j’avais une vocation artistique aussi, j’étais fasciné par le monde du cinéma et l’écriture.

Et vous n’avez pas regretté d’y avoir renoncé ?

Je n’avais qu’à réussir tout seul ! Et puis je pourrai toujours m’y remettre ! (rire)

Au final j’ai choisi Chapal, car pour moi était un passage plus naturel. J’ai été baigné depuis mon enfance dans cette culture familiale de savoir-faire. On n’est pas sur terre par hasard.

Quand j’ai hérité de la maison, le marché de la fourrure et du cuir était difficile et il fallait donner un nouvel élan à l’activité.

Chapal est à l’origine une tannerie de lapin. Fourrure qui, de 1832, lorsque la famille commence l’activité, jusqu’au début des années ’20, était la plus utilisée et la plus vendue. On était le numéro un au monde dans la production et la vente de ce produit. Le lapin imite les fourrures les plus chères et même aujourd’hui on continue la production comme on la faisait à l’époque.

On peut dire que notre maison a démocratisé la fourrure de lapin, permettant aux femmes de pouvoir l’acheter pour beaucoup moins cher.

 

Autour de la tannerie, il y a toujours eu des ateliers de fabrication. On a travaillé pour Christian Dior pendant vingt ans.

Qu’est-ce qu’est pour vous Chapal ? Une marque ? Une famille ?

Ma famille n’a jamais mis en avant le nom Chapal comme une marque, les affaires étaient tellement faciles à l’époque et tout le monde savait qui on était, qu’on ne parlait pas de marque. Ce concept n’avait pas l’importance qu’il peut avoir aujourd’hui.

C’est étrange comme principe d’ailleurs, on doit s’identifier avec une marque aujourd’hui. Tout est marque, logos, que de l’image, et la fabrication est faite ailleurs. Avant, il n’y avait pas des marques et ce qui était fabriqué était l’image, l’identité d’une maison, car produite par celle-ci.

Moi, je fais probablement partie de la génération des marques, car aujourd’hui il est impensable d’avoir une activité sans ce concept. J’ai donc tout de suite décidé de faire connaître au monde ce que ma famille produit depuis presque 200, tout en gardant la production en France et le savoir-faire unique de Chapal.

Pour faire connaitre Chapal, après que Dior eût interrompu la collaboration avec nous, j’ai donc commencé à dessiner des lignes de vêtements et d’objets, et à les produire dans nos ateliers et tanneries. Notre image était strictement liée à ce qu’on produisait et à la façon dont on le produisait : un travail entièrement artisanal et fait à la main.

Aujourd’hui la tannerie n’est plus le moyen qu’elle était pour nous faire connaître, elle est uniquement au service de la fabrication et de la création.

Je suis allé regarder l’histoire de Chapal dans nos archives, ce qu’on avait produit avant, et j’ai cherché à le rendre moderne, actuel, fonctionnel, et adapté au besoin de confort, mais aussi de qualité de notre clientèle.

Mon point de départ à été le 1914 et les blousons d’aviateur. J’ai basé la communication de la maison Chapal sur la Première Guerre mondiale et notre production de l’époque, car elle est à mon avis la plus importante de l’histoire de la maison.

 

Toute ma création doit avoir un lien avec l’histoire de Chapal

Vous avez donc un grand archive…

Non, bizarrement très peu. Mais je connais par cœur l’histoire de la maison, car je fais partie de la famille. Ma grande mère me racontait des anecdotes sur la vie de l’entreprise. On était une grande famille et on vivait tous ensemble, j’étais constamment nourri par ça.

 Ce que je n’ai pas retrouvé dans les archives est sorti de mon imaginaire qui était nourri par les récits de ma grande mère sur la maison.

 

J’ai une grande source d’inspiration qui m’a été transmise, je l’ai dans mes veines, et grâce à ça je ne me refuse quasiment rien dans la création.

J’expérimente les mélanges des matières comme le jeans et la peau de mouton, je fais de la peinture sur du cuir, etc. J’accepte d’aller très loin dans ma créativité, même si parfois ça peut paraître sans lien avec les tendances d’aujourd’hui.

Pourtant il semble que votre nouvelle ligne de prêt-à-porter féminin soit inspirée des années ’70, très tendance cette année ?

Oui, mais j’ai par exemple introduit à nouveau la fourrure de lapin qui n’est pas tout à fait un must have parmi les tendances de l’année. L’inspiration années ’70 n’est pas là, car c’est la tendance du moment, mais, car ce style fait partie de l’esprit Chapal. À cette époque on était très connu dans le monde de l’automobile, et nous le sommes toujours aujourd’hui.

Je crée des petites collections, je suis contre la production massive, car on devient banal. Aujourd’hui les tendances sont dictées par les bureaux de style piloté par des hommes d’affaires. Résultat tout le monde fait la même chose, on a du mal à reconnaître un styliste ou une marque, et la beauté de la femme n’est selon moi pas mise en valeur.

Ma vision est d’avoir un style le plus large possible tout en gardant une spécificité. Nos artisans sont capables de tout créer, mais nos tanneries ne me permettent pas non plus de réaliser n’importe quoi. Il y a un savoir-faire très spécifique, lié au travail traditionnel fait à la main. Cela met un cadre à ma créativité, c’est un guide pour moi, mais je reste néanmoins libre : je n’ai personne au-dessus de moi qui m’impose un style et je n’ai pas de thème déterminé. C’est un style particulier. J’attache plus d’importance à la réalisation et au savoir-faire de la maison qu’à ma créativité.

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 Pour moi créer c’est être au service du savoir-faire et de la tradition Chapal.

Qu’est ce que c’est le luxe pour vous ?

Le luxe est un savoir-faire poussé à l’extrême, être capable d’écouter sa clientèle et pouvoir réaliser pour eux un produit sur mesure en termes de confort, et style.

Mais le vrai luxe signifie aussi UNIQUE comme le client qu’on a devant nous.

Je préfère mille fois être le directeur artistique d’une petite maison mondialement connue, mais qui produit en petite quantité avec soin, passion, en faisant attention au détail et aux exigences des ses clients, que le PDG de je ne sais quelle grosse marque. Je suis fier de se que j’ai pu apporter à la maison Chapal et à ma famille. On est indépendants dans les matières, car nous les fabriquons, mis à part pour le jeans ou le velours qu’on achète à Saint-Etienne chez un fabricant qui le réalise toujours avec un métier ancien. Je rêve de pouvoir réaliser des tissus avec des métiers à la main… Peut-être un jour.

Le luxe pour moi c’est aussi lié à un respect de l’animal, c’est pour ça que Chapal n’utilise que la peau et la fourrure des animaux qu’on mange.

 

Qui est la femme Chapal ?

Tout d’abord, le plaisir de créer pour la femme est généré par la beauté de celle-ci. Je veux que la femme soit belle, car j’ai le désir de la femme. Il y a toujours chez moi un plaisir de séduction.

Selon vous, qu’est-ce que la sensualité chez une femme ?

C’est un raffinement, une élégance, même en jeans et t-shirt. C’est l’harmonie de son corps. J’admire la femme.

Une femme sexy a pour moi du charme à travers ses gestes et sa façon de parler. Il y a toujours un petit jeu de séduction entre hommes et femmes. Par exemple, si je n’étais pas séduit par vous je ne serai pas resté si longtemps en votre compagnie ! (rire)

Et l’homme ?

Chez l’homme c’est uniquement la beauté et l’élégance. C’est l’objet que je peux créer pour lui, fonctionnel, stylé, et qui se démarque des autres produits.

Je pars du showroom Chapal, consciente d’avoir rencontré un homme plus que sympathique, charmant et intelligent. Un homme qui a construit soi-même l’esprit de Chapal, une maison dont on aura encore beaucoup à raconter.

Mais Monsieur Bardinon est aussi un mécène, à Montreuil, dans les anciennes tanneries de famille accueil des artistes et des artisans qui travaillent aussi pour lui ( peinture sur tissus par exemple).

Je suis allée visiter ce lieu magique entre histoire et créativité  un des nombreux jours portes ouvertes que la maison organise pendant l’année: des maîtres du verre, de la tapisserie, de la sculpture ou des artistes modernes.

Voici un aperçu.

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