Le musée de l’éventail : un patrimoine qui ne doit pas être perdu

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C’est un jour comme les autres à Paris.

Comme tous les jours je descends à l’entrée pour aller récupérer mon courrier et là, une agréable surprise m’attend : une invitation à une vente privée dans les locaux du musée de l’éventail.

Mes pensées retournent alors immédiatement dix ans en arrière, quand à peine arrivée à Paris, je commençais mon premier tournage comme stagiaire sur un film de Catherine Breillat : Une vieille Maîtresse. Avec Anaïs Romand, costumière du film, on était allé visiter cet incroyable temple du savoir-faire français, dans lequel on avait loué des éventails pour ce film d’époque 1835.

Après dix ans je remettais pieds dans cet endroit magique… Pour découvrir qu’on vendait son stock de dentelle, passementerie, plumes, et bijoux des années 60′. Nombreuses de ces pièces de bijoux ont été conçues par le père de l’actuel propriétaire du musée, Madame  Anne Hoguet, pour les grands couturiers de l’époque.

Madame Hoguet et ses amis bénévoles cherchent donc à vendre ces merveilles avant de déménager. Le problème, c’est qu’elles n’ont toujours pas trouvé un local qui puisse les accueillir et être en mesure de stocker le trésor de près de 2000 éventails, sans parler des ustensiles et matériaux indispensables à la fabrication et à la restauration de pièces anciennes. Si le musée, mais aussi l’atelier de Madame Hoguet, un des derniers maîtres d’art en la matière, décorée de la Légion d’honneur pour son savoir-faire, disparaissaient, ce serait une grande perte pour le patrimoine français.

Le temps presse ! Ils ont besoin de notre soutien ! Donc si vous avez des suggestions ou des contacts susceptibles de les intéresser, n’hésitez pas à contacter le musée. Une pétition est également en ligne afin de sensibiliser les institutions et les autres musées, ainsi que toute personne sensible à la valeur de l’artisanat : https://www.change.org/p/mus%C3%A9es-mus%C3%A9e-de-l-eventail-%C3%A0-paris-risque-la-fermeture

La famille Hoguet, maîtres de l’éventail depuis 1872.

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En 1678, grâce à Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV, naît la corporation des éventaillistes : ceux qui montaient et pliaient la « feuille », partie supérieure de l’éventail.

En 1872, l’arrière-grand-père de Anne Hoguet, alors spécialisé dans la réalisation des montures d’éventails, monte son atelier à Sainte Geneviève, une localité proche du Havre, de Rouen et de Beauvais, où arrivent les matières premières indispensables à la réalisation des éventails.Dans l’Oise, les montures en nacre, écaille, tortue, etc., sont fabriquées, façonnées, sculptées, gravées et incrustées à l’or fin, puis envoyées à Paris où les éventaillistes assemblaient les feuilles en peau de cygne, dentelle brodée, organza pailleté, etc. Et les vendaient une fois terminés.

Au XIX siècle les éventaillistes parisiens tiennent boutique au 2 boulevard Strasbourg, dans le même quartier où la corporation travaille depuis XVII siècle.

Aubin est le premier éventailliste à avoir son atelier à cette adresse, suivit par Toupillier, qui s’associe à Lepault et par la maison Lepault-Debergue à qui on doit la décoration de la salle d’exposition crée en 1893 et aujourd’hui classée monument historique. Dans cette salle de style Henri II, les murs en toile bleue sont brodés de motifs or et la cheminée est décorée avec une allégorie de la folie.

En 1922, c’est au tour d’une prestigieuse maison d’éventail de prendre également adresse au 2 boulevard de Strasbourg : la maison Kees, rachetée en 1960 par le père de Madame Hoguet. Mais ce qui différencie la maison Hoguet des autres familles, c’est d’avoir réuni dans un seul atelier le métier d’éventailliste à celui de tabletier (celui qui fabrique les montures). A cette époque, pour compenser la diminution des commandes de fabrication des éventails, le père d’Anne réalise également des bijoux en plexi ou en ivoire pour les grands couturiers.

C’est en 1993 que Anne Hoguet, un des derniers maîtres d’art spécialisé dans la feuille, fonde le musée de l’éventail. Afin de perpétuer ce métier d’artisanat, elle organise ateliers et stages adressés aux jeunes des écoles d’art.

Aujourd’hui, l’atelier restaure et produit encore des éventails pour le cinéma, le théâtre et de grandes maisons de mode tels que Christian Dior, Lagerfeld, Jean Paul Gautier.

 L éventail comme un outil de séduction

Depuis toujours, l’éventail est un outil de séduction, mais surtout communication : Il pouvait cacher de la propagande politique à travers des allégories, communiquer un état d’âme à travers la couleur, ou encore, comme au XIX siècle, être véhicule de publicités pour produits industriels. Selon la façon de les porter et de les faire bouger entre les mains, on exprimait des codes qui laissaient savoir si la dame était disponible à l’amour ou pas.

Voici quelques exemples :

Dans la main droite, face au visage : Suivez-moi.

Contre l’oreille à gauche : laissez-moi tranquille.

Tournoyant dans la main gauche : nous sommes surveillés.

Tournoyant dans la main droite : j’aime quelqu’un d’autre.

Présenté fermé : m’aimez-vous ?

Glissant sur la joue puis posé sur le menton : je vous aime.

Glissant dans la main : je vous hais.

Glissant devant les yeux : je suis désolée.

Ouvert, puis fermé. Voue êtes cruel.

Éventant lentement : je suis mariée.

Posé sur les lèvres : embrassez-moi.

Ouvert et immobile : attendez-moi.

Pour résumé, l’éventail est la somme de plusieurs métiers différents : ébéniste, sculpteur, brodeur, peintre, etc. De grands artistes, Jean Cocteau étant l’un des plus récents, se sont amusés à en décorer. Cet objet éphémère et souvent considéré comme superficiel peut tout à fait être mis au rang d’œuvre d’art.

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